Parmi les différentes étapes de production du chocolat, la torréfaction est souvent citée en exemple. Deux raisons à cela. Premièrement, la plupart des producteurs de chocolat exercent leur métier loin des plantations de cacao. Ils apportent leur savoir-faire seulement à partir de cette étape. Deuxièmement, se dire chocolatier-torréfacteur permet de se distinguer des chocolatiers dits classiques, qui ne font que travailler du chocolat de couverture, sans transformer eux-mêmes le cacao. Mais, au fond, pourquoi torréfie-t-on le cacao ?
Besoin physico-chimique
Le fait de torréfier le cacao influence ses propriétés physiques et chimiques. D’une part, la torréfaction permet de décoller plus facilement la peau de l’amande de cacao pour ensuite s’en défaire. Faute de quoi la texture du chocolat changerait. Paradoxalement, et contrairement à ce que de nombreux torréfacteurs artisanaux pensent, la torréfaction ne baisse pas significativement le taux d’humidité des fèves. Ce taux est surtout tributaire du séchage des fèves dans le pays de production du cacao.
D’autre part, la torréfaction influence également les molécules du cacao. Elle a ainsi un effet sur son goût. Le phénomène à l’œuvre qui a le plus d’impact à cette étape s’appelle la réaction de Maillard. A distinguer de la caramélisation, cette réaction est typique des phénomènes de cuisson qui exhalent le goût et les odeurs des aliments. Dans le cas du cacao, cette étape va avoir plusieurs actions. Premièrement, elle change la couleur du cacao. Passant du brun clair au brun chocolat, la fève acquiert ainsi sa robe iconique. Deuxièmement, le goût gagne en intensité, notamment en astringence. En effet, les changements de concentration d’antioxydants jouent un rôle dans cette variation de couleur et de goût.
De gauche à droite, cabosse de cacao, cacao cru, cacao torréfié et torréfié sans sa peau. Crédit : Chansom Pantip.
Torréfier le cacao, une étape cruciale et un savoir-faire unique
Sur le papier tout semble clair. Pourtant, trouver l’équilibre est un savoir-faire qui demande beaucoup de pratique. Trop torréfié, le cacao devient amer, voire brûlé. Pas assez, il manquera d’intensité. Cette étape permet au chocolatier d’imprimer son style au cacao. Le processus est également plus complexe qu’il n’y paraît. Particulièrement sensibles, certains cacaos ne tolèrent pas plus de quelques dizaines de secondes d’écart avant d’être trop torréfiés.
La température, la durée, l’humidité de l’air, la taille et le type de fèves de cacao déterminent les caractéristiques précises de la torréfaction. Généralement, pour le cacao, la réaction de Maillard ne débute qu’au-delà de 100°C et est la plus effective au-dessus de 130°C. C’est pourquoi les torréfacteurs font souvent varier la température au fil du temps. Ils peuvent ainsi exprimer le meilleur du cacao, tout en s’assurant d’une torréfaction uniforme malgré la diversité relative des fèves. Une torréfaction plus légère exprime plus les arômes fruités du cacao, alors que plus forte, elle mettra l’accent sur les notes plus intenses et plus umami.
Tableau comparatif des différentes conditions de torréfaction de trois cacaos différents. Il est surtout intéressant de noter pour la 2e cacao, le changement significatif de composition en passant d’une torréfaction de 120° à 135°C. Crédit : Joanna Oracz & Ewa Nebesny.
Ainsi, lorsqu’un artisan indique un type de torréfaction — douce, intense —, voire une température et une durée, il ne trahit pas son secret. En effet, sans plus de précisions, il n’est guère possible d’en faire quoi que ce soit. En revanche, ce faisant, il met non seulement en avant son travail, mais il facilite la comparaison et la compréhension par le consommateur.
Cacao torréfié, cru ou pasteurisé
Le chocolat torréfié est souvent opposé au chocolat dit cru ou raw. Toutefois, si le cacao utilisé pour produire ces chocolats n’est pas à torréfié, cela ne signifie pas qu’il n’a pas été chauffé durant sa fermentation, puis pour être transformé en masse de chocolat liquide.
En revanche, les cacaos travaillés par les industriels sont rarement torréfiés. Plus souvent pasteurisés que torréfiés. En effet, pour se débarrasser des moisissures et des bactéries de ces cacaos, les entreprises chauffent brièvement les fèves à haute température, à plusieurs centaines de degrés. Si elle garantit la sécurité alimentaire du cacao, cette façon de faire détruit les composants les plus volatils qui font le goût subtil des chocolats artisanaux de qualité.
La note du sommelier (Nicolas) Personnellement, Poser des questions sur la torréfaction du cacao est un excellent moyen pour s'assurer que votre interlocuteur réalise bien lui-même son chocolat de la fève à la tablette. Avec le temps, vous pourrez aussi identifier quel style vous convient plus. Pour aller plus loin, notamment en se plongeant dans les détails techniques, cet article scientifique publié par deux chercheuses dans la revue European Food Research and Technology en 2018 regorge d'informations.
Retrouvez l'article original sur le délicieux blog de Nicolas.
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